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La responsabilité du mandataire judiciaire

Le 30 mai 2017
Sur les difficultés procédurales et humaines qui entravent la liberté à agir du débiteur contre le mandataire judiciaire

En 2016, 57 844 entreprises défaillantes étaient concernées par une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire1.

 

Le traitement de ce contentieux, de plus en plus important, s'avère difficile à appréhender dans la mesure où les professionnels des entreprises en difficulté que sont notamment les administrateurs et mandataires judiciaires désignés par le tribunal de commerce dans le cadre d’une procédure collective ont circonscrit le débat, œuvrent directement aux réformes législatives relatives aux procédures collectives et affrontent peu d'adversaires rompus aux arcanes de cette spécialité.

En outre, la situation de détresse personnelle et professionnelle des dirigeants d'entreprise faisant l'objet de telles procédures les prive souvent de la pugnacité nécessaire pour affronter des décisions parfois irréversibles concernant le sort des actifs de leur société, le recouvrement de leurs créances professionnelles, voire la vente de leurs biens personnels de gré à gré ou par voie d'adjudication.

En effet, les conséquences d'une liquidation judiciaire qui ne serait pas menée de façon totalement bienveillante à l'égard du débiteur, ou serait entachée de fautes, se limitent rarement au devenir de la société en difficulté, les entrepreneurs souscrivant généralement des emprunts garantis sur leurs biens personnels ou ayant choisi de procéder à la création de SCI familiales pour héberger les locaux de leur activité professionnelle.

Ainsi les mandataires de justice, qui exercent une profession libérale réglementée par les articles L 811-1 et suivants et R. 811- 1 et suivants du Code de commerce exercent-ils une mission particulièrement sensible qu'il s'avère difficile de remettre en cause lorsque l'on est dans la position du débiteur, du gérant failli privé juridiquement et moralement de moyens de se défendre.

En effet, les mandataires de justice engagent leur responsabilité civile professionnelle en raison des fautes et négligences commises dans l’exécution de leurs mandats. La responsabilité contractuelle est donc exclue dès lors que l'auxiliaire intervient par voie de mandat de justice. Ainsi, aucun contrat n'est-il conclu entre le mandataire, le débiteur de la procédure, les créanciers ou encore les salariés.

En outre, la nature de la responsabilité recherchée est également à l'origine de nombreuses hésitations quant au fondement idoine de l'action entraînant en pratique de réelles difficultés sur le terrain de la recevabilité.

En effet, rappelons que l'assignation du mandataire es qualité n'a d'intérêt que dans le cadre d'une action dirigée contre la société et consistant alors à appeler en la cause le mandataire au nom et pour le compte de la société en procédure collective, et qui, lorsqu'elle l'oblige à réparer, met l'obligation à la charge de l'entreprise.

En revanche, dès lors qu'il s'agit de rechercher à titre exclusivement personnel la responsabilité du mandataire de justice, la responsabilité est alors civile délictuelle et/ou, suivant le cas d'espèce, pénale.

 

  • La responsabilité personnelle délictuelle.

 

Les mandataires de justice intervenant en qualité d'organe de la procédure engagent à ce titre leur responsabilité délictuelle à l'égard de quiconque subit un préjudice.

 

Leur responsabilité est donc à rechercher sur le fondement des articles 1240 et 1241 du Code civil (Ancien art. 1382 et 1383) et se trouve conditionnée à la démonstration classique en matière de responsabilité délictuelle, à savoir la démonstration d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

 

Les actions en responsabilité contre les mandataires de justice relèvent donc exclusivement de la compétence du Tribunal de Grande Instance.

 

Il est à noter qu'en raison de la possibilité d'engager leur responsabilité personnelle, les mandataires de justice ont l'obligation de souscrire à une assurance en responsabilité civile professionnelle.

 

Par ailleurs, s'agissant du délai de prescription de l'action, celui-ci diffère selon la qualité du demandeur.

 

Au terme de l'article 2224 du Code civil, lorsque la victime est un tiers, elle dispose d'un délai de 5 ans à compter du jour où le demandeur a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

 

En revanche lorsque le plaignant est un débiteur, il dispose alors de cinq ans suivant la cessation de ses fonctions pour agir.

 

Enfin, en pratique, la jurisprudence relative à la responsabilité des mandataires de justice est particulièrement dense et couvre tous les actes entrant dans le champ de leur obligation.

 

Toutefois, en raison des actes de gestion qui relèvent de leur fonction, la responsabilité des administrateurs est plus souvent remise en cause.

 

De surcroît, la responsabilité des mandataires judiciaires se trouve par ailleurs restreinte par l'impossibilité pour les créanciers d'exercer l'action ut singuli2 pour demander réparation de la partie du préjudice collectif dont chacun est personnellement lésé3.

 

 

  • La responsabilité pénale.

 

 

En raison de la fragilité de l'entreprise, le temps de la procédure collective peut faciliter un certain nombre de malversations.

 

Aussi l'article L. 654-12 du Code de commerce prévoit-il plusieurs hypothèses permettant de sanctionner tout administrateur, mandataire judiciaire, liquidateur ou commissaire à l'exécution du plan par référence aux peines de l'abus de confiance aggravé4.

 

L'article L. 654-12 envisagent ainsi trois hypothèses d'incrimination.

 

La responsabilité pénale du mandataire de justice pourra être engagée, tout d'abord, lorsque ce dernier porte volontairement atteinte aux intérêts des créanciers ou du débiteur soit en utilisant à son profit des sommes perçues dans l'accomplissement de sa mission, soit en se faisant attribuer des avantages qu'il savait n'être pas dus.

 

Il en va de même ensuite lorsque le mandataire de justice fait dans son intérêt, des pouvoirs dont il disposait, un usage qu'il savait contraire aux intérêts des créanciers ou du débiteur.

Enfin, encourt également une sanction pénale tout administrateur, mandataire judiciaire, liquidateur, commissaire à l'exécution du plan ou toute autre personne, à l'exception des représentants des salariés, de se rendre acquéreur pour son compte, directement ou indirectement, de biens du débiteur ou de les utiliser à son profit, ayant participé à un titre quelconque à la procédure. La juridiction saisie prononce alors la nullité de l'acquisition et statue sur les dommages et intérêts qui seraient demandés

 

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S'agissant de la responsabilité des mandataires de justice, l'article 47 du code de procédure civile (CPP) a ainsi vocation à s'appliquer, permettant donc de délocaliser la compétence territoriale au profit d'une juridiction voisine de celle au sein de laquelle un magistrat ou un auxiliaire de justice, partie à l'instance, exerce ses fonctions. 

Ainsi, au terme dudit texte, "Lorsqu'un magistrat ou un auxiliaire de justice est partie à un litige qui relève de la compétence d'une juridiction dans le ressort de laquelle celui-ci exerce ses fonctions, le demandeur peut saisir une juridiction située dans un ressort limitrophe.

Le défendeur ou toutes les parties en cause d'appel peuvent demander le renvoi devant une juridiction choisie dans les mêmes conditions (…). »

L'article 47 CPP permet ainsi d'agir en responsabilité civile dans le ressort d'une juridiction au sein de laquelle l'auxiliaire de justice n'exerce pas son activité.



En tout état de cause, le Cabinet POLYMNIE peut vous assister dans vos démarches alors même que votre entreprise se trouverait en liquidation judiciaire ou en redressement judiciaire, afin de veiller à la préservation de vos intérêts, vous représenter lors des audiences pouvant autoriser la vente de biens professionnels ou personnels.

Nos Avocats pourront également rechercher la responsabilité du mandataire si la liquidation judiciaire a été clôturée et que des fautes ont été commises qui vous ont causé un préjudice moral, ou patrimonial.



1 ALTARES, bilan 2016 des défaillances et sauvegardes d'entreprises en France.

2L'action ut singuli est issue du droit des sociétés, et permet à tout actionnaire d'agir au nom de la collectivité des associés. Elle désigne une action sociale menée à titre individueldans l'intérêt de la société. L'action a progressivement été étendue à tout type de société et permet notamment « d'agir en responsabilité contre les administrateurs en raison des fautes commises dans l'accomplissement de leur mandat et d'obtenir ainsi réparation de leur préjudice, mais aussi d'agir à ce titre pour faire prononcer la nullité d'un acte social passé par les organes d'administration de la société ». http://www.dictionnaire-juridique.com/definition/ut-singuli-action.php

3F. AUBERT, « La responsabilité civile personnelle des mandataires de justice dans les procédures de redressement et de liquidation judiciaires », Rapport annuel de la Cour de Cassation, 2002.

4C.pén., art. 314-2 ; Sept ans d'emprisonnement et 750 000 euros d'amende.

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